Horizon Zero Dawn est un excellent jeu, étonnamment excellent. Comment Guerrilla Games, exclusivement connu jusqu’ici pour Killzone, un shooter qui a pour principale caractéristique de ne pas être Halo, est parvenu à créer l’une des meilleures nouvelle franchise de cette génération ? Quelques éléments de réponse…
Cela faisait longtemps que je n’avais pas tenu de blog, et l’envie d’écrire à nouveau me rongeait depuis plusieurs mois. Alors quoi de mieux pour se remettre dans le bain que de parler de l’un des jeux, selon moi, le plus important de cette génération : Horizon Zero Dawn qui, justement, fête tout juste sa première année.
Killzone, la démonstration des talents de Guerrilla Games
Allons droit au but : Horizon est brillant, sublime, et est sans doute la meilleure nouvelle franchise de Sony de ces 10 dernières années. Mais alors, pourquoi tout le monde était aussi réticent à s’exciter jusqu’à sa sortie ? Eh bien, probablement parce qu’avant l’annonce d’Horizon à l’E3 2015, Guerrilla Games était connu pour une et une seule chose : Killzone. Non pas que ce soit forcément quelque chose de mauvais ; il n’y a absolument pas à rougir d’être à l’origine d’une série de first person shooter, exclusivité de la console de sa maison mère… Sauf si l’on est celle qui n’est pas Halo. Et Killzone, et bien, ce n’est pas Halo… Et cette qualité fondamentale de Killzone, le fait qu’il ne soit pas Halo, est plus ou moins devenu le running gag à propos de Killzone.
Plutôt gênant, et incroyablement injuste. Il y a autant de choses dans l’univers qui ne sont pas Halo qu’il y a d’atomes. Mais, être la seule chose dans l’univers pour laquelle ne pas être Halo la caractérise, c’est un sacré problème ! Killzone n’est pas suffisamment apprécié pour ce point. Originellement vanté comme le « Halo killer » de Sony, la destinée de Killzone était gravée à jamais dans le marbre. Le studio était destiné à passer sa prochaine décennie à faire des jeux qui n’étaient pas Halo… Et à part les fans hardcore de PlayStation, ça n’impressionne pas grand monde… Et c’est, selon moi, plutôt dommage. Entendez-moi, les jeux Killzone ne sont pas secrètement incroyables, loin de là, mais Killzone a le mérite d’avoir été la vitrine de l’incroyable talent de Guerrilla en world-building.
L’univers de Killzone dépeint une civilisation humaine dans un futur lointain, divisée entre deux factions génétiquement opposées qui… se font la guerre. Ce qui est, avouons-le, quelque chose que l’Humanité a tendance à faire quand on ne garde pas un œil dessus… Killzone: Shadow Fall, le dernier opus de la franchise, qui était également un titre de lancement de la PlayStation 4, possède de nombreux niveaux incroyables dépeignant les villes de Vekta et New Helghast, deux lieux extrêmement différents collés l’un à l’autre et séparés par un mur. Vous passez votre temps dans le jeu à mitrailler pour vous frayer un chemin entre ces différents lieux qui semblent ancrés dans la réalité. Il y a des appartements, des bidonvilles, de luxueux bureaux, tous fourmillants de détails de la vie qui les a un jour habité, que ce soit dans leur aménagement, décoration ou tout bêtement par la présence de paquets de chips qui trainent au sol…
Combinant un lore de science-fiction extrêmement détaillé, des environnements qui prêtent attention aux micro-détails de la vie, le monde de Killzone: Shadow Fall paraît crédible, vaste, et donne furieusement envie de le découvrir. Et sur ce point, c’est un jeu extrêmement impressionnant. Mais le problème, c’est que tout ceci n’est que du théâtre. Ces lieux ne sont que des décors prétexte à encore plus de gunfights, et on ne peut pas vraiment dire qu’on ait réellement la chance de les découvrir. Mais ça démontre tout de même l’incroyable talent de Guerrilla à construire un monde crédible.
Horizon Zero Dawn, Guerrilla sans les gants
C’est donc sans surprise que leur prochain jeu exploiterait cette aptitude à construire un monde remarquable, en l’appliquant à un monde réellement ouvert et pleinement explorable. Horizon Zero Dawn, c’est Guerrilla sans les gants – un studio qui, après avoir passé presque 10 ans à faire des jeux de tir qui n’étaient pas Halo, réussit enfin à s’exprimer et à déployer ses ailes. Horizon Zero Dawn est, de loin, le meilleur jeu qu’ils aient jamais réalisé, et ce en dépit d’être en totale opposition avec les fantaisies linéaires et machistes qu’ils aient pu faire précédemment, leur talent pour bâtir des mondes est ici mis à l’honneur.
Horizon Zero Dawn dépeint une société matriarcale, vénérant la nature, qui a émergé des cendres d’une technocratie froide et désespérée, dont il nous a toujours semblé être proche, mais qui pourtant ne semble jamais arriver. Rien de très unique dans l’idée d’une société post-apocalyptique, d’imaginer que les humains qui viendraient après nous développeraient un vaste culte tenant ses origines des dures leçons apprises quand la civilisation se terminerait entre les mains d’hommes avec des gros boutons et des ogives nucléaires. Mais Guerrilla est ici allé all-in sur l’exécution – mêlant l’histoire du monde à l’histoire et aux origines d’Aloy, le personnage principal. Et donc, alors même que vous en apprenez plus sur le monde, vous en apprenez plus sur Aloy.
Lorsque l’on mélange tout ça avec de généreuses interventions mystiques tout droit tirées de Mad Max, et d’éléments mélodramatiques, la complexité ou l’originalité du concept cesse d’avoir de l’importance. C’est juste excellent, et extrêmement captivant. C’est un monde que vous prenez plaisir à découvrir aux côtés d’Aloy qui – une autre première pour Guerrilla – est un merveilleux personnage avec qui passer du temps. Aloy est une exception dans le monde du jeu-vidéo. Elle n’est pas super-humaine, elle n’est pas un simple vecteur au travers duquel vous tuez des trucs – quand bien même elle ne craint pas d’endosser ce rôle par moment – et elle n’est pas là pour remplir le rôle de la bimbo. Elle passe son temps sous la menace constante du danger. Chasser des animaux, réels ou robotiques, pour collecter différentes ressources est son élément, mais ce n’est pas pour autant que c’est facile pour elle. Quand bien même vous avez chassé des milliers de chien robots, elle ne semble jamais être complètement en contrôle de la situation.
Loin de la bravoure des héros de jeu de tir, Horizon Zero Dawn explore les fragilités et vulnérabilités d’Aloy, non seulement physique, mais également mentales, en tant qu’être humain faisant face à des menaces qui semblent sans fin. Aloy est rejetée et détestée par les autres humains dès sa naissance, vivant tel un paria, devant travailler dur toute sa vie pour finir à peine tolérée par la société. Et le tout fonctionne, de manière prodigieuse même, quand bien même bâtir un monde fantastique habité par des robots dinosaures est le genre d’idée fondamentalement et merveilleusement stupide que l’on retrouve souvent dans l’esprit des jeunes enfants. Et je ne dis pas ça de manière désobligeante, mais bien au contraire comme l’un des plus beaux compliments que l’on pourrait donner à une fantaisie imaginée par des adultes, habituellement cantonnés à imaginer des guerres fictives basées sur d’autres bien réelles…
Horizon Zero Dawn était juste sous notre nez depuis des années. Et alors même que nous étions en train de mitrailler des Helghast, nous avons pu en apercevoir les contours, cachés sous les lits des appartements de Vektan. Et finalement, plutôt que de se demander comment Guerrilla a bien pu réussir à créer un jeu aussi incroyable, on devrait plutôt se demander pourquoi ça leur a pris autant de temps. De noyé dans la masse des annonces lors de l’E3 2015, à l’un des jeux les plus importants de 2017, ce fut un sacré voyage…
Et puis sérieusement, qui en a encore quelque chose à faire d’Halo aujourd’hui ? Exactement…